Refus de payer les charges de copropriété : Quand l'illégalité vous sauve (Guide Complet)
- Jérémie OUSTRIC

- 24 nov.
- 5 min de lecture

On vous a toujours dit : "En copropriété, on paie d'abord, on discute après".
C'est la règle d'or pour éviter que les immeubles ne s'effondrent faute de trésorerie. Mais cette règle a une faille. Une brèche minuscule dans laquelle s'engouffrent les copropriétaires les plus malins – ou les mieux conseillés.
Il existe un scénario précis où refuser de payer n'est pas un caprice, mais un droit, voire un devoir de salubrité juridique. Mais attention : si vous vous trompez de cible ou de procédure, le retour de bâton sera violent. Ce qui suit va vous expliquer comment distinguer une charge "injuste" (que vous devez payer) d'une charge "illégale" (que vous pouvez faire disparaître), et surtout, comment récupérer votre argent sur les cinq dernières années.
I. La Bible des charges : Utilité vs Tantièmes
Commençons par briser un mythe. Votre syndic ne décide pas de ce que vous payez. Il n'est qu'un exécutant. Ce qui décide, c'est le Règlement de Copropriété (RCP), ce vieux document poussiéreux que personne ne lit. Selon l'article 1er du décret de 1967, ce règlement doit définir deux mondes distincts :
Les charges de conservation (Tantièmes) : Le toit, les murs, l'assurance. Tout le monde paie selon la valeur relative de son lot. C'est mathématique.
Les charges d'équipements (Utilité) : L'ascenseur, le chauffage collectif. Ici, on paie selon l'utilité objective.
Alors imaginez le scandale du Rez-de-Chaussée : Vous vivez au rez-de-chaussée. Vous n'avez ni cave, ni parking au sous-sol. Pourtant, votre règlement vous impute 150€ de charges d'ascenseur par trimestre. C'est illogique ? Oui. Est-ce que vous devez payer ? La réponse instinctive est "Non". La réponse du syndic sera "Oui, c'est dans le règlement". La vérité est ailleurs. Cette clause est ce qu'on appelle "réputée non écrite". Elle n'existe pas juridiquement. Mais pour le prouver, il ne suffit pas de le crier en Assemblée Générale.
Vous pensez que votre règlement est intouchable parce qu'il a été signé il y a 30 ans ? Détrompez-vous. Une clause illégale est éternellement contestable. Mais attention, la méthode pour l'attaquer demande une précision chirurgicale.
II. Le piège mortel du "Je ne paie plus !"
C'est ici que 90% des copropriétaires se tirent une balle dans le pied. Sous prétexte que la charge est injuste, ils bloquent les virements. Ils font le mort. Grave erreur.
Le syndicat des copropriétaires a besoin de liquidités pour payer l'eau et l'électricité. Si vous arrêtez de payer de votre propre chef, vous devenez le "mauvais payeur".
Le syndic va enclencher la machine à broyer :
Mise en demeure (frais à votre charge).
Article 19-2 de la loi de 1
965 : procédure accélérée pour tout réclamer immédiatement.
Condamnation aux dépens.
Préférez la stratégie du Samouraï : Pour gagner, il faut payer, en tous cas dans un premier temps. C'est contre-intuitif, mais c'est la seule voie. Vous réglez les appels de fonds (en précisant "sous toutes réserves" sur le virement, pour la forme), et simultanément, vous initiez l'assignation en révision de charges.
Pourquoi payer si c'est pour attaquer ? Parce que le juge déteste les débiteurs, mais adore les justiciables qui respectent les formes. Et une fois l'assignation lancée, vous allez viser une cible bien précise. Si vous vous trompez d'adversaire, votre action sera morte avant même d'atteindre la barre du tribunal...
III. L'Action en révision : Viser le bon adversaire
Vous avez identifié une charge illégale. Maintenant, qui attaquer ? Le syndic ? Votre voisin ? Le conseil syndical ? Le décret de 1967 est d'une clarté redoutable sur ce point, et il pose une distinction que beaucoup d'avocats oublient.
Cas A : Vous payez trop (L'Action de l'Article 52) Si votre quote-part est supérieure de plus d'un quart (25%) à ce qu'elle devrait être selon la loi, vous devez intenter l'action contre le Syndicat des Copropriétaires. C'est logique : c'est la collectivité qui s'enrichit sur votre dos.
Cas B : Un copropriétaire ne paie pas assez (L'Action de l'Article 53) Attendez, pourquoi se plaindre de ne pas payer assez ? Parce que si votre part est trop faible, celle d'un autre est forcément trop haute, ce qui déséquilibre tout l'immeuble et bloque les votes de travaux. Dans ce cas rarissime, si la part d'un copropriétaire est inférieure de plus d'un quart à la normale, l'action doit être intentée contre ce copropriétaire directement. Et attention : vous devez aussi appeler le syndicat en cause, sous peine de voir votre action rejetée.
Vous avez la cible. Vous avez l'argument. Mais le temps joue contre vous. Savez-vous combien de temps vous avez pour récupérer votre argent ?
IV. La limite légale : Récupérer 5 ans d'arriérés
C'est la partie la plus satisfaisante. Lorsque le juge déclare la clause "non écrite", c'est rétroactif. C'est comme si elle n'avait jamais existé. Le syndic va devoir refaire les comptes. Pas seulement pour l'année en cours. Mais pour toutes les années non prescrites.
Le chiffre magique : 5 ans La prescription en matière de charges est quinquennale. Vous pouvez demander le remboursement du trop-perçu sur les 5 dernières années. Imaginez : 150€ d'ascenseur par trimestre x 4 trimestres x 5 ans = 3 000 € à récupérer, plus les intérêts légaux.
De son côté, le syndic va devoir :
Rembourser votre compte.
Recalculer la répartition.
Aller chercher l'argent manquant dans la poche des autres copropriétaires (ceux qui auraient dû payer l'ascenseur à votre place). Cela va vous rendre impopulaire ? Probablement. Mais vous serez impopulaire et riche (ou du moins, remboursé).
Résumé pour les pressés (La "Checklist" de survie)
Vérifiez le RCP : Votre charge est-elle basée sur l'utilité ou les tantièmes ?
Ne bloquez pas les paiements : Payez vos charges pour rester "propre" aux yeux du juge.
Calculez le préjudice : L'écart est-il supérieur à 25% ? (Règle de l'article 52).
Assignez le Syndicat : Ne visez pas le syndic personnellement, visez le Syndicat des Copropriétaires.
Demandez le remboursement : La révision pour le futur ET le remboursement sur 5 ans.
Une dernière chose que je peux faire pour vous
Analyser votre Règlement de Copropriété et vos appels de fonds pour détecter si vous êtes éligible à l'action en révision de l'article 52. Vous voulez savoir si vous payez pour les autres depuis 10 ans ? Envoyez moi ces deux documents.
La loi est dure, mais elle récompense ceux qui la lisent jusqu'aux petites lignes. Votre règlement de copropriété contient peut-être une erreur à plusieurs milliers d'euros.
👉 C'est pourquoi consultation juridique personnalisée est essentielle pour orienter votre dossier de manière stratégique, anticiper les arguments de la défense et maximiser vos chances de succès :
Maître Jérémie OUSTRIC
Avocat à la Cour
Montpellier & sa Région
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📚 Sources et Références :
Article 1 du Décret n°67-223 du 17 mars 1967
Article 52 du Décret n°67-223 du 17 mars 1967.
Article 53 du Décret n°67-223 du 17 mars 1967.
Article 36 du Décret n°67-223 du 17 mars 1967 (principe des intérêts appliqué mutatis mutandis ou par application du droit commun civil sur la répétition de l'indu).




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